Une tortue ancestrale
- Nicolas Voirin
- 15 nov. 2024
- 3 min de lecture
Je suis la Tortue du Monde Originel, gardienne des esprits de la nature d’un temps ancien. Bien avant l’avènement de l’espèce humaine, bien avant même les dinosaures, le monde était radicalement différent. La planète entière était un immense marécage, baigné dans une atmosphère dense et saturée. L’air était lourd, chargé de gaz et d’étranges fumées nauséabondes.
Dans ce monde humide et mystérieux, les batraciens régnaient en maîtres. De gigantesques insectes dominaient les cieux tandis que de petits lézards volants se disputaient les hauteurs des arbres. Le paysage était animé par le chant grinçant des insectes, le craquement des arbres tombant dans les eaux marécageuses et, parfois, les grognements sourds des colosses batraciens.
C’était un équilibre parfait, un cycle immuable où chaque créature avait sa place. Mais cette harmonie était fragile. La densité de l’air, saturé de gaz inflammables, atteignit un seuil critique. Et un jour, une étincelle fatidique déclencha un incendie d’une ampleur inimaginable. Une simple foudre, tombée dans une région sans histoire, embrasa la forêt marécageuse, détruisant le monde entier en quelques jours.
Ce fut la fin de l’équilibre parfait. Et avec lui, la fin d’un cycle éternellement stagnant.
Dans ce chaos, des âmes quittèrent leurs corps physiques, certaines s’élevant vers d’autres plans, d’autres choisissant de rester pour participer à l’évolution du monde. Mais la peur et l’instinct de survie face à cette apocalypse engendrèrent de puissantes formes-pensées, qui donnèrent naissance à de nouvelles entités : le Petit Peuple.
Ces esprits, divers et variés, commencèrent à exister dans une dimension parallèle au monde physique. Leur but ? Préparer un nouvel équilibre, plus dynamique, plus durable. Ils apprirent à gérer les cycles naturels, à établir des fondations pour un monde capable de prospérer malgré les catastrophes futures.
Contrairement à ce que l’humanité pense, l’invisible a une influence tangible sur le monde physique. Ce que vous appelez magie, mystère, ou coïncidences est souvent le fruit des actions du Petit Peuple. Ces êtres veillent sur l’équilibre du monde, ajustant les cycles pour éviter des désastres irréversibles.
Ne croyez pas que toutes les disparitions humaines sont le fait d’autres humains. Le Petit Peuple agit souvent, que ce soit pour punir, éduquer, ou offrir un répit à un être en le faisant temporairement voyager dans leur dimension. Vous n’êtes que des invités sur cette Terre. Votre existence, tout comme celle des animaux, est éphémère. Seul le Petit Peuple, dans sa dimension, est éternel.
Vos actions sont observées, jugées. Aux yeux du Petit Peuple, l’humanité agit souvent comme une espèce sauvage, bruyante, insouciante et imprudente. Pourtant, ils continuent de guider et d’influencer ceux qui sont réceptifs, les orientant vers des chemins qui maintiennent l’équilibre du monde.
Moi, la Tortue géante de la nature invisible, je fais partie de ce Petit Peuple. Mon rôle est d’apporter la sagesse, la patience et l’amour de la vie. Je ravive la flamme de la nature chez les êtres réceptifs, les incitant à cultiver, à jardiner, à s’occuper de la Terre avec soin et respect. Rien n’est forcé : je ne fais que réveiller ce qui sommeille déjà en eux.
Mais contrairement à l’ancien monde, nous ne cherchons plus un équilibre parfait. L’équilibre parfait est un piège. Il mène à la stagnation et à des catastrophes inévitables. Nous avons appris de nos erreurs. Nous visons désormais un équilibre imparfait, vivant, évolutif.
Ne vous imaginez pas que le Petit Peuple est uni. Comme vous, nous avons nos parts d’ombre et de lumière. Mais notre objectif commun reste le même : prolonger la vie sur cette planète, jusqu’à ce qu’elle atteigne sa fin naturelle. Quand ce moment viendra, certains d’entre nous partiront chercher un autre monde, tandis que d’autres choisiront de mourir avec la Terre, entamant ainsi un nouveau cycle de réincarnation, tout comme vous.
Vous, humains, ne portez pas seuls la responsabilité de l’état du monde. Nous sommes tous impliqués. Vos actions physiques influencent l’équilibre, mais elles ne sont qu’une partie d’un processus bien plus vaste. De nombreux êtres invisibles travaillent pour maintenir cet équilibre, malgré vos choix souvent égoïstes ou irréfléchis.
Le changement que vous vivez est nécessaire. Si tout restait figé, cela signifierait que votre temps sur cette planète touche à sa fin – ce qui, heureusement, n’est pas encore le cas. Acceptez ce changement. Adaptez-vous à votre environnement et apprenez à le comprendre. Ce n’est qu’en modifiant vos actions à votre échelle que vous pourrez contribuer à la survie de votre monde.
Vivez en paix avec vous-mêmes. Acceptez votre place dans cet écosystème complexe et interconnecté. Prenez conscience que vous n’êtes qu’une espèce parmi tant d’autres. Si vous ne pouvez vous adapter, vous disparaîtrez, comme tant d’autres avant vous.
Mais si vous choisissez de vivre avec respect et compassion, d’agir pour bâtir un monde harmonieux, alors vous aurez une véritable raison d’exister ici. Ce monde est vivant, il vous accueille, mais il ne vous appartient pas.
Allez en paix, espèces humaines. Que la lumière du soleil et de la lune vous guide.
