Un Moaï
- Nicolas Voirin
- 29 nov. 2024
- 3 min de lecture
Je suis l’esprit des moaï, esprit guerrier et protecteur de l’île de Pâques. Mon existence est intimement liée à cette île, qui était autrefois bien plus vaste. Dans des temps lointains, alors que la Terre, notre mère nourricière, était propice à notre présence, mon peuple prospérait en paix et en harmonie avec elle.
Nous étions les premiers navigateurs des eaux du grand océan Pacifique, qui portait un autre nom à cette époque. Cet océan était bien moins vaste, et les vents comme les courants marins rendaient les voyages plus sûrs qu’aujourd’hui. Les îles étaient plus proches, et les connexions entre elles bien plus simples.
Nous vivions sur ce que vous appelez la Terre de Mû, un regroupement d’îles anciennes et riches en histoire. Notre peuple, humain comme vous, était sage, profondément connecté à la Terre et à la mer. Nous avions appris l’humilité et la symbiose avec la nature. Contrairement aux Atlantes, qui nous considéraient comme une province étrangère, nous n’avons jamais connu de conflits avec eux. Nos aspirations différaient : tandis qu’ils se concentraient sur la puissance et la maîtrise technologique, nous explorions le temps, le savoir universel, et le monde des esprits.
Notre peuple échangeait des informations par télépathie, reliant nos hameaux éloignés en un réseau de communication naturelle. Chaque village fonctionnait en autarcie, mais nos voyages réguliers permettaient d’enrichir nos terres, d’apporter diversité et fertilité à nos cultures, et de maintenir une connexion perpétuelle entre les communautés.
Nos géants de pierre, les moaï, étaient des hommages à nos guerriers et héros, érigés pour célébrer leurs conquêtes. Pour nous, chaque exploration était une conquête, car elle nécessitait de perturber un écosystème, de s’y imposer, puis de le restaurer en insufflant une énergie unificatrice. Ainsi, nous détruisions pour reconstruire.
Lorsque les Atlantes furent exterminés, l’impact de leur disparition fut catastrophique pour la planète entière. Leur chute provoqua des tempêtes violentes, des tsunamis dévastateurs, et des bouleversements géologiques qui fragmentèrent notre terre. Les rares survivants de notre peuple peinèrent à rétablir le savoir et les connexions entre les hameaux.
Beaucoup trouvèrent refuge sur les continents, abandonnant la navigation et la vie insulaire. Lorsque de nouveaux peuples réoccupèrent ces eaux, désormais deux fois plus vastes et bien plus dangereuses, les vestiges de notre civilisation disparue effrayèrent autant qu’ils fascinèrent.
Les moaï restants, principalement sur l’île de Pâques, témoignent de notre savoir-faire. Certaines statues subsistent encore, submergées dans les eaux du nord de la Polynésie française. Elles pourraient un jour être redécouvertes, mais seront-elles encore reconnaissables ?
La construction de ces géants de pierre est un mystère pour vous, mais pour nous, c’était une technique naturelle, basée sur une compréhension intuitive de la physique et des mathématiques.
Le déplacement des pierres utilisait un système de butées en terre et sable spéciales. Chaque statue, une fois taillée, était équipée de zones creusées spécifiques pour absorber les chocs. Les butées servaient de tremplins, permettant aux pierres de suivre une trajectoire prédéfinie, similaire à vos rails modernes. Une fois la première butée en place, les autres étaient calculées et alignées. Une poussée initiale suffisait : la pierre, grâce à sa masse et à sa vitesse, parcourait seule le chemin tracé.
La stabilisation des fondations faisait appel à des techniques précises d’érosion accélérée. Nous utilisions différentes formes d’eau – glacée, froide, gelée – à des moments stratégiques de la journée. Ce processus contrôlé provoquait des dilatations et des affaissements dans les pierres, permettant leur ajustement naturel dans des socles stables, même face aux mouvements sismiques.
Ces techniques, bien qu’étonnamment simples, demandaient une patience et une précision aujourd’hui oubliées. Nous travaillions avec la nature, pas contre elle.
Votre monde moderne privilégie la rapidité et la facilité, au détriment de la réflexion et de la patience. Comprendre notre art de bâtir nécessite de revenir à ces principes fondamentaux. Peut-être y parviendrez-vous un jour, et alors seulement pourrez-vous tourner la page de ce mystère et avancer.
Mon esprit, reste lié à cette Terre. Je ne suis pas errant, mais en attente. J’espère qu’un jour ma civilisation renaîtra, redonnant vie à notre savoir et à nos réussites passées.
Adieu, peuples du monde nouveau. Puisse votre quête de savoir et de compréhension vous mener à des merveilles encore insoupçonnées.
