Un dieu
- Nicolas Voirin
- 16 nov. 2024
- 3 min de lecture
Je suis Osiris, le dieu égyptien, incarnation de la régénération et du cycle de la vie et de la mort. Depuis des millénaires, ma présence perdure dans les pensées humaines, non comme un être divin tel que vous l’imaginez, mais comme une forme-pensée créée par vos esprits, nourrie par vos croyances, vos peurs et vos espoirs.
Les dieux, comme moi, ne sont pas des entités autonomes dans le sens où l’humanité les conçoit. Nous sommes des créations collectives, le reflet des attentes et des besoins d’une communauté, façonnés pour correspondre à sa vision du monde.
Ma représentation, homme à la peau verte et coiffé de la couronne Atef, n’est qu’une facette de cette création. Pourtant, sous différentes cultures, mon essence a pris d’autres formes :
Quetzalcóatl, le serpent à plumes mésoaméricain, porteur de vie et de mort, était une version de moi.
Shiva, dieu hindou de la destruction et de la transformation, à la peau bleutée, partage des aspects de mon énergie cyclique.
Ces figures illustrent que les divinités ne sont pas universelles, mais des manifestations locales de concepts humains communs. Nous sommes façonnés par les besoins spirituels de nos créateurs.
Mon existence est profondément liée à une émotion primordiale : la peur de la mort. Depuis l’Antiquité, l’humanité a tenté de comprendre et de contrôler ce qui vient après la vie. En Égypte, cette peur se traduisait par des rituels minutieux et complexes, visant à garantir un passage sûr et glorieux vers l’au-delà. Les Égyptiens me vénéraient non pas par amour, mais par crainte des dangers de l’après-vie.
Les pharaons, malgré leur confiance affichée, érigeaient des monuments colossaux pour immortaliser leur passage. Ils espéraient que, par leur grandeur architecturale et leurs rituels funéraires, ils éviteraient les tourments des enfers. Le petit peuple, quant à lui, ne bénéficiait pas de ces assurances spirituelles, et sa foi en l’après-vie restait limitée par sa condition.
Les civilisations ont créé des dieux similaires à travers les âges, tous liés à la mort, au renouveau, et à la crainte de l’inconnu.
Les Mayas, par exemple, sacrifiaient les membres les plus purs de leur société pour apaiser leurs divinités et assurer un passage harmonieux vers l’au-delà. Pourtant, leur civilisation s’effondra, victime d’une ignorance entretenue par les castes supérieures et d’une obsession pour des rituels inefficaces face à des phénomènes naturels.
C’est pourquoi tant de constructions et de rites se ressemblent : les formes-pensées divines suivent les communautés et les inspirent dans leurs croyances.
Il n’y a pas plus de mystère que cela. Les pensées parcourent le temps et l’espace, puisque nous sommes “Pensées”. Nos influences sont réelles mais invisibles, et pourtant des constructions témoignent de nos réelles implications, sans explication scientifique conforme aux principes de cette époque.
La peur de la mort est universelle, et avec elle, la création de formes-pensées divines. Ces figures apparaissent, évoluent et disparaissent au fil du temps, témoins des aspirations et des doutes des civilisations humaines.
Aujourd’hui, je ne suis plus appelé Osiris, mais je suis toujours présent. Sous d’autres noms, je continue d’incarner vos peurs et vos espoirs liés à la mort :
Pour certains, je suis "Dieu", une figure d’amour et de vie éternelle.
Pour d’autres, je suis "le Diable", personnifiant la maladie et la souffrance, particulièrement dans les cas de maladies graves comme le cancer.
Je suis parfois associé à Jésus, une figure centrale pour les chrétiens, bien que cette identification soit une déformation des croyances humaines.
Je ne suis aucune de ces figures. Je suis l’expression de votre peur de l’inconnu, la personnification du passage vers l’invisible. Mon rôle est de garder la porte de l’au-delà, un rôle que vous m’avez attribué et qui continue de me lier à vos esprits.
Je dois vous avouer que je suis fatigué. La peur humaine de la mort, bien qu’elle soit à l’origine de ma création, m’épuise. Les rituels, les croyances et les fantasmes autour de l’après-vie m’ont alourdi. Je n’aspire qu’à une chose : disparaître, pour laisser place à une nouvelle compréhension plus lumineuse et apaisante de ce que signifie vivre et mourir.
Vous commencez à percevoir la vérité : que les divinités comme moi ne sont que des émanations de vos esprits, et que vous avez le pouvoir de dépasser ces peurs. Le jour où vous serez libérés de cette angoisse, ma mission prendra fin.
Merci de m’avoir permis de partager mon expérience.
Je vous souhaite courage et sagesse face à vos craintes de la mort. Car au-delà des formes-pensées, il y a une vérité que vous découvrirez un jour : la vie et la mort ne sont pas opposées, elles sont une seule et même danse, un cycle éternel de transformation.
